Acquisition de la personnalité morale des GHT : un nouveau millefeuille administratif ?

La loi n°2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels a instauré la possibilité pour les GHT d’acquérir la personnalité morale.

Le groupement hospitalier de territoire (« GHT » ci-après) a été créé par la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016. Ce dispositif se voulait être un – si ce n’est le – nouveau mode de coopération entre établissements publics de santé.

L’article L.6132-1 alinéa II du Code de la santé publique précise l’objet des GHT de la manière suivante :

« Le groupement hospitalier de territoire a pour objet de permettre aux établissements de santé de mettre en œuvre une stratégie de prise en charge commune et graduée du patient, dans le but d’assurer une égalité d’accès à des soins sécurisés et de qualité. Il assure la rationalisation des modes de gestion par une mise en commun de fonctions ou par le transfert d’activités entre établissements. Dans chaque groupement, les établissements parties élaborent un projet médical partagé garantissant une offre de proximité ainsi que l’accès à une offre de référence et de recours. » 

Comme du plomb dans l’aile d’un potentiel« prélude à un processus général de fusion des établissements dans le cadre territorial » (Dupont, M. & Bergoignan-Esper, C – Droit hospitalier – 2022 – Dalloz) le GHT contrairement à ce que sa nature de groupement pouvait laisser penser, ne disposait pas de la personnalité morale.

C’est ce que rappelait l’ancien article L6132-1 du Code de la santé publique en des termes on ne peut plus explicites : « Le groupement hospitalier de territoire n’est pas doté de la personne morale ».  

Le GHT était donc un simple processus conventionnel qui reposait sur un « établissement support »désigné par la convention constitutive qui en quelque sorte « prêtait » sa personnalité morale à l’ensemble du groupe et exerçait à minima :

  • la gestion des dossiers patients permettant une prise en charge globale ;
  • la gestion d’un département de l’information médicale de territoire ;
  • la fonction achat ;
  • la coordination de la formation des professionnels ;
  • la gestion de la stratégie des emplois.

Le fait de recourir à un mode conventionnel avait donc vocation autant à « laisser de la souplesse » dans l’organisation du GHT qu’à complexifier le fonctionnement des établissements publics de santé.

Le 27 avril 2023, dans le cadre de l’exposé des motifs du dépôt de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, il a été indiqué que « certains GHT sont arrivés à une maturité de coopération qui les pousse à vouloir porter certaines fonctions à l’échelle du groupement et non plus des établissements seuls » et ainsi il a été proposé de « créer un droit d’option pour doter de la personnalité morale les Groupements hospitaliers de territoire ».

C’est aujourd’hui chose faite. L’article L 6132-5-2 du Code de la santé publique prévoit deux cas dans lesquels il est possible que le GHT soit doté de la personnalité morale.   

Le nouvel article L.6132-1 du Code de la santé publique précise que « Le groupement hospitalier de territoire peut, sur demande conjointe de l’ensemble des directeurs des établissements parties et sous réserve de délibérations concordantes des conseils de surveillance et des conseils d’administration, être doté de la personnalité morale dans les conditions prévues à l’article L 6132-5-2 ».

L’acquisition de la personnalité morale ne peut être décidée que si l’intégralité des instances dirigeantes de chaque établissement du groupement s’y accorde. Celle-ci n’est donc en aucun cas obligatoire.

L’article L6132-5-1 du Code de la santé publique envisage deux cas de figure : soit l’ensemble des établissements parties au groupement fusionnent en un seul et même établissement public, soit l’ensemble des établissements constitue un groupement de coopération sanitaire (GCS) destiné à prendre la fonction de l’établissement support.

On peut voir dans ce 1° du nouvel article L.6132-5-2 du Code de la santé publique une réminiscence de la pétition de principe d’origine : un processus global de fusion au plan territorial 

« Le groupement hospitalier de territoire peut être doté de la personnalité morale dans les cas suivants :

1° Lorsque l’ensemble des établissements parties à un groupement hospitalier de territoire fusionnent dans les conditions prévues à l’article L. 6141-7-1. Dans ce cas, l’établissement issu de la fusion n’est pas tenu d’être partie à la convention mentionnée au premier alinéa du I de l’article L. 6132-1 ».

On pourrait encore y voir une forme de simplification qui correspond à la création d’un centre hospitalier de territoire, par fusion, auquel seraient rattachés des établissements sites qui correspondent aux anciens membres du groupements ayant fusionnés.

Cependant la disposition semble mal rédigée. Il est nécessaire de clarifier si les deux entités que sont le GHT et l’établissement issu de la fusion subsistent et le cas échéant les rôles dévolus à chacun d’eux.

S’agissant du 2° de l’article L6132-5-2 du Code de la santé publique, il est ainsi rédigé :

« Le groupement hospitalier de territoire peut être doté de la personnalité morale dans les cas suivants :

(…)

2° Lorsque l’ensemble des établissements parties à un groupement hospitalier de territoire constituent, à l’exclusion de tout autre membre, un groupement de coopération sanitaire mentionné à l’article L. 6133-1 afin qu’il assure au moins les fonctions mentionnées au I de l’article L. 6132-3. Le groupement de coopération sanitaire exerce également, le cas échéant, les compétences mentionnées aux II et III du même article L. 6132-3 et à l’article L. 6132-5-1. Pour l’exercice de ses compétences, le groupement de coopération sanitaire se substitue à l’établissement support du groupement hospitalier de territoire et l’administrateur du groupement de coopération sanitaire exerce l’ensemble des prérogatives accordées au directeur de l’établissement support. »

Cet alinéa constitue également une évolution en ce qu’il dote le GHT de la personnalité morale. Néanmoins, cela n’apporte pas la simplification et la fluidité de fonctionnement attendue. En effet, dans ce cas le GCS se substitue à l’établissement support. Si cette technique de créer des groupements opérationnels en marge des GHT était déjà connue de la pratique, celle-ci n’est pas simplificatrice en termes de gouvernance. Il y a création, non pas d’une, mais de deux personnes morales, chacune avec des règles de gouvernance et de fonctionnement particulières.

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