La première épreuve des JO 2024 commence par l’achat des billets

Bertrand Ducasse, Avocat

T’as voulu voir la boxe et on a vu le tennis

T’as voulu voir la course, et on a vu le judo

La vente des billets pour les jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 a commencé sur le site officiel du comité d’organisation de Paris 2024. Au-delà du possible mécontentement lié aux prix des places, la question se pose de la licéité de la vente subordonnée de « packs » obligeant les consommateurs à acheter, en plus du billet recherché, d’autres billets pour des épreuves qui peuvent ne pas les intéresser.

Aux termes de l’alinéa 2 de l’article L121-11 du code de la consommation, est interdit le fait de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L121-1. L’alinéa 4 précise que les dispositions du présent article s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public.

L’article L121-1 dudit code dispose que les pratiques commerciales déloyales sont interdites.
Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service.

Selon la jurisprudence, les critères pour constater la vente subordonnée consistent à vérifier si les clients étaient bien mis en mesure de refuser l’achat de certains articles composant le lot acquis par eux et si une vente partielle leur a été proposée (à titre d’exemple : Cass. crim. 15 mars 1977 n°76-91.043).

Ainsi, la doctrine explique que :

« Pour que la vente par lots soit répréhensible il est nécessaire que les éléments constitutifs de l’infraction de pratique commerciale déloyale soient réunis, c’est-à-dire que la pratique commerciale doit être contraire à la déontologie professionnelle et qu’elle altère, ou soit susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur moyen.

En conséquence, chaque fois que le consommateur est clairement informé qu’il peut se procurer chaque élément du lot à un prix déterminé, la vente par lot ne soulève pas de difficulté juridique particulière. On peut donc considérer désormais que la licéité des ventes subordonnées est le principe sauf les cas où la vente devient une pratique commerciale déloyale. » (Raymond (G)  JurisClasseur Concurrence – Consommation, Fasc. 905 : Promotion des ventes par les prix, à jour du 18 Avril 2022, §62).

En l’espèce, deux phases de vente des billets ont été programmées par le comité olympique de Paris 2024.

S’agissant de la première phase, qui vient de s’achever, les consommateurs ont dû s’inscrire sur le site officiel du comité olympique de Paris 2024 en sélectionnant leurs sports de préférence, puis attendre d’être éventuellement tirés au sort. Une fois tiré au sort,  le consommateur disposait alors de 48 heures pour sélectionner en même temps trois « sessions », c’est-à-dire trois lots. Dans chacun des trois lots, étaient proposées différentes épreuves qui ne correspondaient pas aux sports de préférence renseignés préalablement. Le nombre de billets que le consommateur prenait dans le premier lot (entre un et six billets) obligeait le consommateur a prendre le même nombre de billets dans le deuxième lot et dans le troisième lot. Selon ce que le consommateur choisissait dans le premier lot, les choix proposés pour les deuxième et troisième lots changeaient de manière arbitraire. Si les trois lots n’étaient pas remplis, aucun billet ne pouvait être acheté.

Ainsi, la première phase de tirage au sort a permis d’acheter des « packs » de billets pour diverses épreuves sportives, par lots dont le choix de composition était restreint et changeait de manière arbitraire. Il s’agissait donc d’une vente subordonnée au sens de l’alinéa 2 de l’article L121-11 du code de la consommation puisque le consommateur était obligé d’acheter trois lots à la fois et n’a pas été mis en mesure de refuser l’achat de certains articles composant les lots.

Le second critère pour savoir si cette vente subordonnée constituait une pratique commerciale déloyale interdite par l’article L121-1 du code de la consommation est de vérifier si le consommateur avait été clairement informé qu’il pouvait se procurer chaque élément du lot à un prix déterminé. Lorsque les consommateurs se sont inscrits sur le site officiel pour pouvoir être tirés au sort, ils ont pu découvrir, en cliquant sur le lien « Foire aux questions », que, si la première phase de tirage au sort offrait la possibilité d’acheter les billets par lots, la seconde phase de tirage au sort, qui débute le 15 mars 2023, permettra d’acheter les mêmes billets à l’unité, dans la mesure des places restant disponibles. L’information ayant bien été donnée aux consommateurs, la première phase de vente subordonnée ne devrait pas pouvoir être qualifiée de pratique commerciale déloyale.

Pour autant, la question pourrait être posée de savoir si, devant le risque que la seconde phase de vente ne permette plus d’acquérir les billets pour les épreuves qu’il souhaite voir, ou alors à un prix exorbitant, le consommateur n’était pas contraint d’acquérir dès la première phase les lots dans les trois sessions composés notamment d’épreuves qu’il n’a pourtant pas envie de voir. Dès lors, dans quelle mesure le comportement économique du consommateur, même informé de l’existence de la seconde phase de vente à l’unité, est-il susceptible d’avoir été altéré de manière substantielle, à l’égard de l’achat des billets par lots lors de la première phase ?

La réponse à venir à partir du 11 mai 2023, lors de l’ouverture de la seconde phase de vente de billets à l’unité pour les personnes tirées au sort : combien de billets resteront disponibles, pour quelles épreuves et à quels prix ?