Quel recours contre un sursis à statuer ordonné en appel ?
Bertrand Ducasse, Avocat
S’il est discrétionnaire et permet à la juridiction d’alléger provisoirement le rôle en repoussant le traitement du dossier, le sursis à statuer ordonné par un juge est parfois extrêmement gênant pour un client et la question se pose d’un éventuel recours à l’encontre de la décision ordonnant le sursis.
Le code de procédure civile ne contient aucune disposition spécifique sur le sursis à statuer ordonné pendant une procédure d’appel. Il faut donc procéder par déductions.
Concernant la procédure d’appel, l’article 907 du code de procédure civile dispose que :
« A moins qu’il ne soit fait application de l’article 905, l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807 et sous réserve des dispositions qui suivent. »
La procédure d’appel en circuit normal est donc suivie par un conseiller de la mise en état auquel s’applique par renvoi les articles 780 à 807 du code de procédure civile concernant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire en première instance.
Parmi ces articles, figure l’article 795 du code de procédure civile qui dispose que :
« Les ordonnances du juge de la mise en état et les décisions rendues par la formation de jugement en application du neuvième alinéa de l’article 789 ne sont pas susceptibles d’opposition.
Elles ne peuvent être frappées d’appel ou de pourvoi en cassation qu’avec le
jugement statuant sur le fond.
Toutefois, elles sont susceptibles d’appel dans les cas et conditions
prévus en matière d’expertise ou de sursis à statuer […]»
En première instance, l’ordonnance du juge de la mise en état ordonnant un sursis à statuer peut donc faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues en matière de sursis à statuer.
Il faut se référer aux articles généraux sur le sursis à statuer, notamment à l’article 380 du code de procédure civile, qui dispose que la décision de sursis peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.
Est-ce à dire qu’en appel, la décision du conseiller de la mise en état qui ordonne le sursis à statuer doit également suivre le régime général de l’article 380 ?
S’agissant des compétences du conseiller de la mise en état de la cour d’appel, l’article 916 du code de procédure civile précise que :
« Les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d’aucun recours indépendamment de l’arrêt sur le fond.
Toutefois, elles peuvent être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu’elles ont pour effet de mettre fin à l’instance, lorsqu’elles constatent son extinction ou lorsqu’elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps.
Elles peuvent être déférées dans les mêmes conditions lorsqu’elles statuent sur une exception de procédure, sur un incident mettant fin à l’instance, sur une fin de non-recevoir ou sur la caducité de l’appel […]»
Le sursis à statuer figure dans le titre XI intitulé « Les incidents d’instance » du livre Ier intitulé « Dispositions communes à toutes les juridictions » du code de procédure civile.
A première vue, le sursis à statuer semble relever du régime des incidents d’instance.
Dans la mesure où l’article 378 du code de procédure civile dispose que « La décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine », le sursis à statuer ne saurait être un incident mettant fin à l’instance. En effet, l’instance reprend une fois que la cause du sursis a disparu (article 379 du code de procédure civile).
En réalité, la jurisprudence applique au sursis à statuer le régime des exceptions de procédure (à titre d’exemples : Cass. 2ème civ. 19 mars 2009 n°05-18.484 ; Cass. 2ème civ. 27 septembre 2012 n°11-16.361). En effet, aux termes de l’article 73 du code de procédure civile, constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.
Par conséquent, même si la décision du conseiller de la mise en état ordonnant le sursis à statuer ne met pas fin à l’instance, un déféré à son encontre est possible dans la mesure où lui est appliqué le régime des exceptions de procédure.
Dès lors que le recours à l’encontre de l’ordonnance du conseiller de la mise en état ordonnant le sursis à statuer prend la forme du déféré, les dispositions générales de l’article 380 du code de procédure civile ne s’appliquent pas et il n’y a pas besoin de demander l’autorisation du premier président de la cour d’appel ni de démontrer un motif grave et légitime.
Il est finalement plus facile, procéduralement parlant, de faire un recours contre une décision ordonnant un sursis à statuer en appel qu’en première instance.