Rapport sur la numérisation du commerce international

Le commerce international entre professionnels n’est que très partiellement et imparfaitement numérisé. Cet état de fait résulte, notamment, de l’absence de reconnaissance, dans la quasi-totalité des systèmes juridiques, de la forme électronique des titres dits “transférables” (ou négociables), c’est-à-dire de documents (instrumentum) incorporant un droit (negotium) de telle sorte que l’exercice ou le transfert de ce droit ne puisse être effectué indépendamment du document. Ces titres transférables, (connaissement maritime, polices d’assurance à ordre, récépissés warrants, etc.) sont, en effet, essentiels dans le commerce international, car, permettant à leurs porteurs d’avoir accès aux marchandises ou aux droits relatifs à ces marchandises, ils sécurisent les échanges et leurs financements.

Conscient des gains susceptibles de naître d’une telle dématérialisation (sécurisation, simplification et fluidification des chaînes logistiques au bénéfice des exportateurs et importateurs), de la nécessité de ne pas se laisser dépasser par d’autres pays (également actifs dans ce domaine) et de rester à la pointe de l’innovation, les ministres de l’Économie et des Finances, du Commerce extérieur, ainsi que de la Justice ont confié à la fin de l’année 2022  à Paris Europlace et au comité français de la Chambre de Commerce Internationale une mission ayant pour objet de recommander au gouvernement les propositions les plus efficaces pour faciliter la numérisation du commerce international.

Le 29 juin dernier Béatrice Collot et Philippe Henry ont ainsi remis, au nom de Paris Europlace à Olivier Becht, ministre chargé du Commerce extérieur, de l’Attractivité et des Français de étranger qui l’a reçu en son nom ainsi qu’en celui du ministre de l’Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique et du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, le rapport (https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/rapporttrade-_vf-29.06.23_cle08ea4a.pdf) de cette mission, coordonnée par Sarah Teper de la direction générale du Trésor .

Notre associé, Dominique Doise, a animé au sein de cette mission (à côté d’André Casterman et de Christian Cazenove qui ont respectivement animé les groupes «  aspects technologiques » et « advocacy ») le groupe des juristes composés de professeurs de droit, d’avocats, de juristes de banques, de transporteurs maritimes, de négociants, de spécialistes du droit de la dématérialisation (V. p.87 du rapport), étant souligné que ce groupe a  travaillé en liaison étroite avec des représentants de la Direction des Affaires Civiles et du Sceau (V. p. 79 du rapport) et est à l’origine d’une des principales recommandation du rapport.

Cette recommandation porte, en effet sur la nécessaire évolution du droit français (V. pp.46 à 52 du rapport) pour permettre la pleine reconnaissance de la forme électronique des titres transférables en partant de la loi type sur les documents transférables électroniques élaborée en 2017 par la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI). Si l’établissement d’un écrit électronique revêtu d’une ou plusieurs signatures, également électroniques, est juridiquement possible en l’état de notre droit actuel, celui-ci ne prévoit rien pour assurer l’équivalence fonctionnelle pour un document électronique, par essence immatériel, de la possession de l’original du document transférable établi sur support papier, indispensable pour l’exercice ou le transfert des droits représentés par le document transférable et pour éviter des exécutions multiples ou des transferts à plusieurs personnes distinctes d’un même droit. Un projet de texte de loi (V. p.99 rapport) comprenant à la fois des dispositions autonomes et des modifications sectorielles codifiées, a donc été élaboré par le groupe de travail pour répondre à ces questions. Ce projet constitue un point de départ, déjà très travaillé et abouti, pour le début d’un processus législatif qui devrait, d’après les indications du ministre, aboutir dans les tous prochains mois.